Psychothérapie Intégrative et Écothérapie
PSYCHOTHÉRAPIE INTÉGRATIVE et ÉCOTHÉRAPIE
Chamanismes et Psychothérapie
« L’homme dit civilisé se contente d’être un cerveau puissant, il méprise ses sens, méconnaît son corps et fuit ses émotions. Il a perdu confiance, sensibilité et détermination. Noué d’angoisses, soumis aux enjeux de pouvoir, il se durcit et s’épuise. Ni garant d’une tradition, ni citoyen de l’univers bercé et habité des énergies cosmiques et telluriques, sa force ne trouve plus sa source au sein de ces mouvements incessants. Il ne peut dès lors compter que sur sa pensée rationnelle et sur sa cuirasse musculaire pour subir la vie plus que pour la vivre. »
Jacqueline KELEN, L’Eternel Masculin.
A travers l’alliance de l’expérience chamanique amérindienne et du processus thérapeutique, je m’interroge ici sur les formes d’intelligibilité et de sensibilité que des cultures ont inventées pour symboliser et exprimer, souvent de façon mythique et poétique leurs rapports à la connaissance de l’être-au-monde et à son mystère d’exister. Il ne s’agira pas d’importer des notions exotiques qui font rêver et qui entretiendront nos clivages, nos dualités et mécanismes de défenses mais plutôt de retrouver certaines dimensions oubliées du Soi au sens jungien du terme dans le miroir que nous tendent les amérindiens au travers de leur sagesse et philosophie de vie.
Modernité et cultures clivantes et excluantes : quelques généralités
Nous vivons dans une société qui ne fait que fonctionner et reproduire les structures existantes ; elle génère clivages et exclusions. Notre époque voit ainsi apparaître une forme particulière de malaise : le vide existentiel. Désenchantement, urbanisation, individualisation, fatigue d’être soi, non-sens accumulés génèrent déprimes, dépressions, névroses existentielles. …
Il ressort de ceci que l’individu moderne a une triple incapacité à se lier, incapacité à se lier à autrui, incapacité à se lier à lui-même, aux objets, à l’environnement. L’individu de la modernité est délié, il est délié avec le monde, délié avec autrui, délié avec lui-même ; il tire de cette déliaison une immense liberté, mais celle-ci s’accompagne aussi d’une forme de souffrance psychologique inédite : l’ennui, la mélancolie, voire la dépression (perte du sens de la vie, perte du sens de l’amour-lien, perte de la joie).
La psychothérapie et la psychanalyse penseront le cercle papa-maman-enfant et permettront à l’individu de revisiter, d’écrire et de vivre son histoire, d’en métaboliser la lourdeur. Elles apporteront quelque chose de nouveau et d’irremplaçable : le droit de penser ses parents. Dans les traditions chamaniques, le père et la mère sont intouchables.
La psychologie classique s’est focalisée sur la relation à autrui oubliant la profonde connexion entre l’homme et la source de toute vie : la terre, l’univers. Il semblerait que la nature nous fasse peur et que nous l’oublions par déni ou résistance. Aussi, par crainte de souffrir, nous éviterions de prendre conscience de l’état du monde. C’est pourtant oublier que derrière la peur de la nature se cache la peur de notre propre nature, obscure et sauvage, faite de pulsions et d’émotions.
Au-delà d’une mode, le chamanisme qui m’a été transmis comme « écothérapie » est une invitation à retrouver nos racines, notre lien à la nature et à nous rappeler que nous sommes partis d’un tout, car les chamanismes répondent à ce besoin de renouer avec ce qui « anime » les vivants et de retrouver l’enchantement du monde en tout élément, tout en devant être adaptés à nos modes de vie et rituels contemporains.
Dans leurs expressions variées, les chamanismes sont un art de la relation au sens large. Ils se distingue des autres voies spirituelles par leur dimension concrète et le fait qu’ils relèvent d’une spiritualité sans dogmes, d’une philosophie pratique qui considère que, pour toucher la profondeur de son être, on ne peut partir que de soi.
En même temps qu’une plongée dans les images et les sensations, les chamanismes par les expériences visionnaires qu’ils proposent savent faire vivre les mythes. Ils connectent la personne et le mythe pour qu’elle soit à sa place dans l’ordre de l’univers.
Le corps symbolique dans le chamanisme
Une éducation à l’imaginaire sacré
Le corps des indiens est un corps poétique. Les Indiens parlent du corps de rêve. C’est toute l’éducation amérindienne qui est vécue comme un compagnonnage initiatique dont le but est l’immersion dans l’expérience et sa compréhension symbolique.
Le corps de rêve donc est un corps symbolique, poétique. Si les blancs disent avoir des idées, les indiens reçoivent des rêves et des visions.
Silence, Contemplation, Action.
La grille de lecture du chamanisme, c’est l’interprétation symbolique de l’expérience. Le sens n’y est jamais figé dans un concept. Il est toujours à vivre et à interpréter par un acte visionnaire. Les images symboliques y sont productives de sens. L’homme ou la femme en quête reste l’expert de cette production de sens.
Les notions partagées par les cultures amérindiennes et que l’on retrouvera en thérapie chamanique sont : l’harmonie cosmique, l’importance des pouvoirs et des visions, une vue commune du cycle de la vie et de la mort, le cercle.
Au cœur de ce symbolisme : Le Cercle
Chaque déchiffrement du sens est inscrit dans la conception du cercle, c’est-à-dire la liaison et la parenté de tous les êtres vivants dans le mystère sacré. Le chamanisme pense et vit le lien organique et donc vital entre l’être humain, la communauté et la création. Plonger dans cet espace, c’est lâcher prise avec la tyrannie du moi, c’est permettre une déflation de ce moi sans lequel il ne sera pas possible de sentir le « tout » frémir en soi. C’est le sentiment vécu d’être relié à la communauté (corps social) ainsi qu’à l’univers par tout un vécu de symbolisation et qui portera l’individu vers lui-même et vers l’Autre.
Le cercle est avant tout une expérience : expérience du cercle de la communauté autour du feu, expérience de la vie dans le tipi circulaire, du cercle du conseil qui unifie l’esprit des participants, du cercle dans les rituels religieux, comme la danse du soleil, celui de la hutte à sudation…Lorsque toutes les générations dansent ensemble, tous les éléments de l’expérience imprègnent le danseur d’une connaissance du cercle : le cercle de la danse, le cercle des générations qui tournent sur la piste, le cercle des rythmes et des mélopées reprises plusieurs fois, celui du ciel et de la terre sur laquelle rebondissent les mocassins… le tout au rythme des tambours, eux-mêmes circulaires. Comme les boucliers de pouvoir, etc…
Ainsi tous les cercles, comme celui du vol de l’aigle dans le ciel, sont comme des icônes, des images symboliques concrètement vécues qui participent de la même réalité archétypique et métaphysique que les cultures amérindiennes nomment le cercle.
Cette notion de cercle est fondamentale, comme l’est celle de la souveraineté humaine. Le cercle est vécu comme lien symbolique, organique. Il relie et lie.
La Roue de Médecine comme cercle instituant
La roue de médecine est une cosmogonie. Elle servira en psychothérapie de point de départ aux différentes explorations proposées : orientation dans ses différents points de vie (sud, ouest, nord, est), rencontre avec les clowns sacrés, masques d’ombres et de lumières, le féminin/le masculin, l’enfant/le sage, les rituels de passage et de transformation… Les thèmes fondamentaux de l’inconscient collectif jungien anima/animus – ombre/lumière – Kaïros/Chronos…sont également les fondamentaux des roues de médecine amérindiennes.
Pour les Indiens d’« Amérique », le mot médecine signifiait plus qu’une substance permettant de restaurer la santé et la vitalité d’un corps physique malade ou usé. Le mot « Médecine » signifiait ‘pouvoir’ – l’énergie sacrée qui peut être attirée et dirigée – et ‘totalité’. ‘Médecien’ signifiait aussi ‘connaissance’. La Roue de médecine pourrait être définie comme un ‘Cercle de connaissance qui restaure l’intégrité et donne pouvoir à sa vie’. ‘Médecine’ est un mot créé par les français – une déformation du mot algonquin ‘midewinin’ ‘qui a du pouvoir’ ; l’homme-médecine, le medecine man, le chamane, le wicasha wakan des sioux est bien plus qu’un guérisseur.
Celui qui entre rituellement dans la voie médecine ou la roue de médecine n’est pas confronté à un ensemble de croyances et de dogmes qui doivent être acceptés avant que le progrès se fasse sentir. On y est incité au contraire à trouver sa propre perception de la vérité dans un système qui n’est rien d’autre qu’une carte, ou plutôt un cadre dans lequel il y a de la place pour la découverte.
- La Roue de Médecine / Elle contient tout l’univers, tous les mondes, toutes les expériences humaines, tous les aspects du temps. Elle est faite de multiples roues qui s’emboîtent les unes aux autres et donnent une grille de lecture de différents mondes.
- La Roue des Boucliers / Elle Vient se superposer à la Roue de Médecine. Elle invite l’individu à une nouvelle intégration/organisation interne et externe des énergies masculines et féminines en chacun, dans le couple, dans la collectivité.
- La Roue des Lunes / Elle se superpose également à la Roue de Médecine et la complète. Elle nous parle des âges de la vie. Passages des âges de la vie : grandir, mûrir, mourir, renaître. Chaque crise est une opportunité pour s’élever en profondeur : autant de baptêmes du feu…
Suite « Psychothérapie Intégrative et Anatomie de la Roue de Médecine »